Bruxelles, la difficile, que j’aime

Comme vous le savez, peut-être, je suis de Namur, ville quittée il y a bientôt six ans. La raison de l’emménagement à Bruxelles est le fait que l’offre professionnelle y est plus grande, mais je dois vous avouer qu’en ce qui concerne l’accessibilité, les craintes étaient bien présentes. 

Avant de vivre dans cette ville, je ne faisais qu’y passer. Je n’avais jamais vraiment visité Bruxelles avant. Je me souviens d’une brève visite scolaire, durant laquelle nous avions été dans l’un des musées de la Place Royale. Nous avions aussi visité une chocolaterie et à un feu rouge, près de la Gare de Bruxelles-Central, j’avais croisé un chanteur connu à qui j’ai dit aimer ce qu’il faisait. Peu après, il a été envahi, pour des photos, mes collègues, à qui je ne voulais pas qu’il m’associe.

J’ai parfois pu voir quelques beaux lieux bruxellois, mais rien ne me donnait

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Namur WheelchairInTheWild©

envie d’y vivre. Pourtant, j’entendais de la part de ceux qui décidaient d’y emménager, des phrases comme « Bruxelles, ça me change, ça bouge », d’autres encore disaient que pour les sorties, cette ville était géniale. J’adore les sorties en soirée dans le but de m’amuser mais, honnêtement, le manque d’accessibilité aperçu lors de mes courtes visites, ne promettait rien de bien agréable pour quelqu’un qui, comme moi, utilise un fauteuil roulant pour se déplacer. Mais, le temps était venu, pour moi, de sortir du cocon, pas si accessible mais familier, qu’était Namur et de s’ouvrir à de nouvelles aventures que m’offrirait Bruxelles. C’est donc également avec beaucoup de peine que j’ai quitté mes deux infirmiers (et amis), parce que je savais, et ils savaient que je savais, que des comme eux, ça ne court pas les rues.

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Bruxelles WheelchairInTheWild©

C’est au mois d’août que le déménagement a été fait, et c’est assez rapidement que la rentrée et son rythme m’emportent. Je découvre les heures de pointe des matinées bruxelloises et j’aimais rouler à toute vitesse, entre les gens aussi pressés que moi, dans la gare de Bruxelles-Centrale, où je devais passer de la station de métro vers la gare de train pour me rendre à Louvain-La-Neuve. Il fallait rouler vite pour arriver à temps pour le train qui me permettait d’arriver au plus tard à 8h30 aux cours. Mes semaines étaient intenses, mais je n’avais qu’un an à tenir et mon cursus se poursuivrait à Bruxelles. Parce que je ne peux vivre confortablement sans avoir d’infirmiers à domicile, c’est bien avant de quitter ma ville que j’ai pris contact avec un infirmier. Par acquit de conscience, il me fallait trouver un kinésithérapeute. C’était fait! Il m’était important d’avoir une bonne équipe d’infirmiers, par contre en ce qui concernait le kinésithérapeute, la qualité de ses prestations m’importait peu, tant qu’il faisait le minimum (l’entretien). Je prenais un kiné, par habitude et parce que je voulais éviter que ma condition physique soit moins bonne. Rien d’autre ne me motivait à aller à mes séances de kinésithérapie, parce que les kinés que j’ai eu ces dernières années ont toujours freiné mes envies de plus d’activités physiques, en m’affirmant que, dans mon cas, cela ne servait à rien.

Mes horaires changeaient toutes les semaines, le kiné était compréhensif et les deux séances de kinésithérapie n’étaient pas encombrantes à placer. Par contre, l’infirmier était peu fiable et arrivait souvent en retard, ce qui me faisait arriver en retard à mes cours, chamboulant mes études par la même occasion. L’équipe trouvée pour le remplacer était formée de personnes manquant cruellement d’humanité. Et je ne dis pas cela parce qu’il s’agit de moi. Je le dis en pensant à ceux avec qui elles sont comme elles ont été avec moi, ceux qui, contrairement à moi n’ont peut-être pas la chance d’être entourés, comme je le suis. Alors que Bruxelles semblait être plus accessible que ce que je ne pensais, elle se révélait, à moi, très mauvaise en ce qui concerne les infirmiers à domicile. Ceux à qui j’ai fait appel sont guidés par une chose, la soif d’argent. Ici, si vous êtes en fauteuil roulant, certains n’hésitent pas à vous proposer des soins à domicile, alors que vous traversez juste la rue comme tout le monde. Le stress causé par le fait d’avoir des infirmiers qui ne me permettent pas de mener mes études comme je devais, à eu raison de moi et mes projets ont dû subitement être modifiés.

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Bruxelles WheelchairInTheWild©

C’est à ce stade que j’ai commencé à voir Bruxelles et à vivre cette ville. Et parce que pour en apprendre sur une ville il n’y a, pour moi, rien de tel que de parler à des locaux, pour ce qui me concerne, mon kinésithérapeute était LA personne. Et parce que mes projets étaient entre parenthèses, j’ai augmenté la fréquence de mes séances de kinésithérapie et j’ai osé demander plus d’activités physiques dans le but d’améliorer certaines choses. Pour la première fois de toute ma vie, j’étais face à  un kiné qui a répondu positivement à cette demande. Ce n’est pas qu’il croyait au fait que j’obtiendrais les résultats attendus, c’est juste qu’il respectait cette volonté. J’ai découvert ce qu’est un bon kiné et à quel point c’est important. Avant, je ne prenais pas de remplaçants lorsque mon ou ma kiné(e) était en congés parce que je ne trouvais pas cela nécessaire. Aujourd’hui, je n’en prends pas parce que les qualités humaines et professionnelles du kinésithérapeute que j’ai, font passer tout autre remplaçant pour médiocre. Je ne pense pas que beaucoup font construire une rampe d’accès pour pouvoir vous recevoir dans un cabinet qui n’est pas uniquement le leur, alors qu’ils ne manquent pas de patients, par exemple. Sans emménager à Bruxelles, je n’aurais eu ce kiné et je n’aurais pas amélioré certaines capacités qui changent de petits aspects, mais non moins importants, de mon quotidien, grâces au fait qu’il ne décourage jamais mes envies de progrès et m’aide à y travailler. Parce que tant que je respire, je suis en vie, j’ai besoin de me fixer des objectifs à atteindre, aussi petits qu’ils soient.

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Le fait de me sentir bien physiquement me permet de mieux apprécier Bruxelles. Je prends plaisir à me perdre dans ses rues et à y découvrir ses charmes. J’y découvre ses forces, mais aussi ses faiblesses. Au départ, je ne compte pas y rester pour longtemps, mais voilà bientôt six ans que j’y  suis et j’ai envie de m’y engager pour la rendre un peu meilleure chaque jour. Si je la critique, c’est parce que je l’aime. Parce que je suis contre le fait de critiquer sans rien faire, il me fallait écrire ici.

C’est à Bruxelles que j’ai découvert qu’on pouvait me remercier de sortir danser en soirées, parce que ce seul fait montrait que des gens comme moi existent aussi hors de chez eux le soir. C’est aussi là que j’ai découvert les soirées qui commencent à deux et se terminent à vingt, avec des gens qu’on ne revoit plus nécessairement.

Je suis de Namur pour toujours et j’ai beaucoup d’amour pour Bruxelles, ses rues, ses gens, bien que je ne les comprenne pas toujours. Bruxelles est difficile à vivre en fauteuil roulant, lorsqu’on est pressé. Par exemple, il y a beaucoup de failles en ce qui concerne les transports en commun. Il est donc nécessaire, en attendant les changements, de s’y prendre à l’avance pour les trajets. Il est important de continuer à sensibiliser sur ces questions d’accessibilité.

C’est toujours un plaisir de vous lire!
Prenez soin de vous et de ceux que vous aimez,
Petit Cyborg