Confinement et liberté

Cela fait quelques temps que je me dis que le fait qu’il y ait une plus grande offre, en ligne, de conférences, rencontres, réunions … rend ma vie sociale plus riche. Vendredi, j’ai eu une discussion qui me porte à croire que je ne suis pas la seule à le vivre comme ça. Eh oui… alors que ce confinement fait que ceux qui, d’habitude, jouissent de leur pleine liberté d’accès, goûtent un peu à l’inaccessible et au couvre-feu, d’autres, qui d’ordinaire sont exclu.e.s, de la plupart des événements et sphères sociales, se sentent un peu plus vivants. La pauvreté de mes interactions sociales choisies tuait mon âme à petit feu.

Avant toute chose, nous devons garder en tête que je fais partie de privilégié.e.s de ceux qui vivent avec des déficiences. C’est donc, aussi, je pense, la raison pour laquelle je vis les nouvelles mesures, de ce confinement, de la manière dont je le vis.

J’ai le privilège d’être proche de ma soeur, alors, lorsque durant le premier confinement l’une de mes infirmères a été contaminée, par le virus, et que le système mis en place, pour me permettre de vivre indépendamment, avant la situation du COVID-19, s’est effondré, j’ai pu être aidée par celle-ci. Le plus dur, durant cette période-là était de la voir surchargée, parce que tout retombait sur elle.

Concernant ce second confinement, le système des titres-services, auquel je fais appel, est considéré comme faisant partie de ce qui est essentiel, et étant donné qu’au mois d’octobre, j’ai engagé une Assistante Personnelle, lorsque les infirmiers ne peuvent passer, ma soeur ne se retrouve plus submergée.

Avec ses trois structures en place, je peux vivre indépendamment, durant ce second confinement, et être psychologiquement tranquille, car je ne me considère plus comme un poids pour mon entourage. Comme je vous l’ai précisé tout à l’heure, je fais partie des quelques privilégié.e.s vivant avec des déficiences, car le système d’Assistance Personnelle n’est, pas encore, à ce jour automatiquement mis en place ou proposé à ceux et celles qui ont une ou des déficiences, ni à leurs familles. Pourtant, il est reconnu que ce système est une nécessité pour assurer une autonomie à la personne en situation de handicap ainsi qu’une vie de qualité, à elle et à son entourage.

C’est grâce au Budget d’Assistance Personnelle, BAP, que celle ou celui qui en bénéficie peut financer une partie ou l’entièreté des titres-services et les services de ceux /celles qui l’assistent. Pour se voir attribuer un BAP, il faut pouvoir connaître ses besoins, lorsqu’on a l’habitude de s’adapter, plutôt que d’adapter son environnement, il peut être difficile de faire, soi-même, l’évaluation de ce qu’on pourrait demander à quelqu’un d’autre de faire, pour nous faciliter la vie. Le fait de sous-estimer les besoins peut conduire à un budget insuffisant. Dans le document à remplir, il s’agira d’expliquer pourquoi il nous est nécessaire de mettre en place ce système (études, boulot, loisirs, …) . Lorsque la réponse reçue est positive, le montant du budget est renseigné. A Bruxelles et du côté francophone, il est nécessaire, à la personne, d’effectuer le paiement des prestations auxquelles elle aura fait appel, dans un premier temps, et de se faire ensuite rembourser, avec preuve à l’appuie. Il faut donc être en mesure de prendre en charge les sommes en question, avant d’en être partiellement ou totalement remboursé. En ce qui me concerne, je n’ai pas un grand BAP, mais j’ai des économies, alors en combinant les deux, je fais partie de ceux et celles qui, étant donné qu’elles/ils ont accès à une structure qui n’est pas basée sur des aides aléatoires (voisin.e.s, ami.e.s, bonne volonté,…), bénéficient de services stables qui leur permettent d’être physiquement, psychologiquement reposé.e.s, de gagner du temps et d’avancer dans des projets qui leur permettent de s’épanouir en tant qu’êtres humains.

Sans ce système d’Assistance Personnelle, je ne serais pas en mesure d’apprécier les nombreuses conférences et réunions qui fleurissent en ligne. Cette inaccessibilité vécue par la majorité a aussi, à une vitesse folle, poussé à la création de divers réseaux d’activités, que je ne pensais pas qu’il serait possible de voir exister. Comme quoi!

Certaines questions que je me pose depuis le premier confinement sont: Est-ce que tout ceci fait en sorte de prendre conscience de l’exclusion vécue par une partie de la population? Ou est-ce qu’une fois que tout ceci sera passé, on se dira « plus jamais ça » et on passera à autre chose? Rendons nos espaces publics accessibles… le fait qu’un confinement sans événements en ligne, n’aurait rien changé à ma vie, d’avant le confinement, est pour moi symptomatique d’un cruel manque d’accessibilité et de pauvreté de vie sociale. Le fait que je me réjouisse de la naissance des divers événements en ligne est aussi, pour moi, un signal de ce manque de stimulations qu’offrent les interactions sociales.

Je me pose des milliers de questions, mais pour le moment, je vais profiter de cette nouvelle accessibilité offerte, en ayant la chanson « Dance off » en tête, pendant que je savoure chacun des événements auxquels, je sais que sans les mesures prises, à cause de cette situation sanitaire, je n’aurais pas pu participer, car les lieux où ils se seraient produits m’auraient exlue.

N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez plus d’informations à propos du Budget d’Assistance Personnelle ou si vous avez besoin de conseils pour remplir les documents pour introduire une demande.

Comme d’habitude, prenez soin de vous et de ceux que vous aimez,

Petit Cyborg