Cultiver la patience

Hier, j’ai eu une discussion qui ne m’a pas laissée indifférente avec quelqu’un que j’apprécie et pour qui j’ai du respect. Nous n’étions pas d’accord sur la question, pour cela je lui dit merci, car c’est grâce à cela que je peux réfléchir sur le sujet. Je vais m’exprimer sur un sujet sur lequel, jusqu’à présent, je ne me suis jamais exprimée. Mon but n’est pas de faire en sorte de faire changer quel qu’avis contraire au mien, que ce soit, mais d’exprimer le mien. 

Ceux qui me lisent depuis un certain temps savent que je suis namuroise. Ceux qui ont vu des images de moi savent que je suis noire. La question portant sur mes origines revient souvent en Wallonie et à Bruxelles. En Angleterre, la question pourrait être posée à toute personne chez qui on noterait, dans son anglais, un accent différent de ceux du pays. En Angola, également pour ce qui concerne la langue portugaise et/ou un style vestimentaire qui semblerait différent de la majorité.

C’est ainsi qu’à Londres, il m’a été demandé si j’étais française. A Luanda, j’ai également été trahie par mon accent francophone. « D’où es-tu? »

En français, mon accent est l’un des accents belge. Alors, lorsqu’à Bruxelles, à Louvain-La-Neuve ou à Liège on me la pose, je réponds que je suis de Namur. La question qui suis est plus précise « De quelle origine es-tu? » Je comprends donc que cette question est pour savoir ce qui explique ma couleur de peau. Peu importe que la personne soit née ici et ait été trouvée dans une « boîte à bébé ». Nous voulons savoir. C’est la curiosité (désir indiscret de savoir- Larousse) qui pousse à connaître les origines d’une personne… Qu’elle soit posée après un jour ou après un an, nous manquons de patience lorsque nous la posons. Si après un an, deux ou plus, notre ami.e ne nous donne aucun élément sur ses origines, c’est soit qu’elle ne sait rien ou pas grand chose sur elles (car elle est d’ici), qu’un passé douloureux y est attaché, ou peut-être simplement, que nous ne sommes pas à ce stade de la relation.

Il est normal d’être curieux à propos des origines d’une personne à qui l’on s’intéresse, mais ce n’est pas pour ses origines que nous entretenons un lien avec quelqu’un… Lorsque c’est son accent qui éveil cette curiosité, il y a plus de chances que la personne connaisse ses origines et puisse en parler. Mais se baser sur l’apparence pour conclure que la personne vient d’ailleurs, peut être vécu comme une agression. L’individu ne se voit pas comme une couleur, une personne avec déficience visible ou non n’a pas constamment conscience de ce fait. De même que personne ne traverse la vie en se disant « Je suis blanc, homme ou sans déficience ». Alors, lorsque pour assouvir notre curiosité nous demandons à quelqu’un d’où lui viennent ses origines, en nous basant sur les traits de son visage et/ou sa couleur de peau, il s’agit d’une micro-agression, car nous avons décidé qu’elle n’est pas d’ici ou pas vraiment.

Cultivons la patience… nous aurons la réponse à la question à un moment donné. Ce n’est pas parce qu’elle a honte de ses origines, qu’une personne ne trouve pas agréable cette question basée sur ses caractéristiques physiques. Lorsque la question m’a été posée à Londres, je ne l’ai pas vécue comme un rejet, parce que je ne suis pas et ne me sens pas anglaise, d’une part, et que la question était due à mon accent, pas à ma couleur de peau, d’autre part. D’ailleurs, leur dire que je venais de Belgique leur suffisait comme réponse. Par contre, il m’est arrivé de donner la réponse qu’on attendrait chez nous en Belgique et d’avoir comme questions de précisions « Ah bon?! Vous êtes venue de là? Combien de temps a duré votre voyage? », me faisant comprendre que la question ne portait pas sur l’explication de ma couleur de peau, mais de mon accent qui, pour eux, renseignait sur mon origine.

Ce n’est pas grave si nous ne comprenons pas ou ne trouvons pas logique que cette question soit vécue comme intrusive. Soyons patient.e.s, car il y a de fortes chances que la réponse vienne à nous sans que nous ne l’ayons posée. Soyons bienveillant.e.s, cela ne nous blesse ni physiquement, ni psychologiquement de nous empêcher de poser cette question, à laquelle tout le monde n’a pas une réponse claire.

Peut-être que nous manquons de patience, parce que nous évoluons dans une société dans laquelle, tout vouloir tout de suite est courant… Alors, nous nous frustrons si on ne répond pas à nos demandes (ici questions de curiosités) par la positive. Nous vivons dans une société dans laquelle, nous considérons que c’est nous empêcher d’être libres, si il nous est dit que ce que nous faisons met mal à l’aise, blesse ou est intrusif. Nous avons du mal à remettre en question nos actes. Nous trouvons injuste de changer notre comportement, car nous estimons souvent que ceux qui les vivent mal, sont blessés car ils sont trop faibles. « Tu es trop sensible », une phrase qui retire toute capacité d’argumentation. A toute personne qui vous la servira, répondez « Oui… alors, soit bienveillant.e ». Si nous nous trouvons face à quelqu’un que nous percevons comme faible, parce que trop sensible, c’est à nous de nous adapter en réduisant notre rudesse.

Prenez soin de vous et de ceux que vous aimez,

Petit Cyborg