Milan ou pas

 Je parie que les premières pensées qui vous viennent sont “shopping”, “mode” ou d’autres mots du même genre. À cause de ces clichés à propos de Milan, ce n’était pas notre premier choix lorsqu’il nous fallait décider de la ville italienne à visiter, entre Rome et celle-ci. Une seule chose a fait pencher la balance vers Milan… le fait qu’en voyageant en train, mon fauteuil roulant ne courrait pas le risque d’être endommagé en soute. D’aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais eu autant de mal à organiser un voyage… Je vais tout vous expliquer. Avant toute chose puisque nous sommes encore au mois de janvier, je vous souhaite une excellente Année 2019.

Les billets

Première étape: Nous avons réservé nos places sur le site de la SNCF. Le voyage s’effectuerait en deux parties. De Bruxelles-Midi à Paris-Nord et de Paris Gare de Lyon à Milano Porta Garibaldi Stazione.

Deuxième étape: Un fois les billets reçus, par voie postale, il me fallait réserver les assistances qui me permettraient de monter et descendre des trains. Pour la Belgique, le numéro à appeler est le 025 28 28 28; Pour la France, il y a un formulaire en ligne à remplir et des numéros à appeler, ainsi qu’une adresse mail. Jusque là, vous vous dites peut-être, comme moi, que tout ça est très bien organisé… c’était sans compter sur le rejet de la demande par “Accès plus”, le service français.

2019-01-09

Pourquoi ce refus? Parce que les billets ont été achetés sur le site de la SNCF et que sur celui-ci il était impossible de signaler le besoin d’une place adaptée à un fauteuil roulant. Les gars, si vous voyagez en fauteuil roulant, je sais que c’est vraiment tentant, parce que plus rapide, d’acheter vos billets en ligne mais, il vaut mieux le faire à un guichet de votre ville et interagir avec l’humain qui y travaille. Cela vous évitera de vivre des situations similaires à celle que vous allez lire.

Il me fallait donc changer les billets, mais pour cela, il était nécessaire de se rendre dans une boutique SNCF en Belgique. Pas si compliqué, n’est-ce pas? Eh bien, à la Gare du Midi, il y a bien des guichets de la SNCF. Oups! Les billets papiers achetés sur leur site ne peuvent y être échangés. Après de nombreux appels vers la France pour expliquer la situation, on m’informe de me rendre dans la seule boutique SNCF qui se trouvait dans la rue Louise (Bruxelles). Chouette! Dès le lendemain, j’y étais. La version courte, c’est qu’elle est fermée. Donc à ce moment là, n’y en avait plus aucune en Belgique. Il me fallait me rendre à Lille pour l’échange des billets en vue d’avoir la place réservée aux  usagers en fauteuil roulant.

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Correction: « Ils ne peuvent pas non-plus être échangés à Bruxelles. « 

 

Pour des raisons pratiques, c’est en fauteuil roulant manuel et en voiture que le voyage vers Lille s’est fait. J’ai la chance d’avoir cet ami qui s’est rendu disponible pour m’y conduire pour l’échange des billets.

Nous étions là, face à cette dame qui nous informe qu’il n’y a pas de solutions à cette situation. A ce moment là, deux options s’offrent à moi. Accepter et aller à Milan en fauteuil roulant manuel, en dépendant constamment de ma sœur, pour qui le séjour n’aurait pas du tout été reposant, ou rester là et insister pour qu’une solution soit trouvée. J’ai choisi d’insister et la dame qui trouvait la situation insensée, a fait de son mieux pour trouver une solution. Et vous savez quoi?! La solution était au delà de nos attentes. Nous avions, non seulement, la place adaptée, mais en plus de cela, une réduction du prix des billets.

Rester à Paris ne tient qu’à un fil

C’est donc après l’obtention des billets attendus par « Accès Plus » qu’il m’a été possible de réserver l’assistance pour les voyages. Ouf! Après plus d’un mois, tout a été fait dans les temps. Nous pouvions enfin penser à ce qui serait fait à Milan, cette ville dont les habitants sont considérés, par certains, comme étant un peu superficiels. Ville également considérée, par d’autres, comme la moins représentative de ce qu’est l’Italie. Eh bien, après toutes ces émotions lors de l’organisation, j’avais plutôt hâte de savourer le séjour et la cuisine locale. Le reste m’importait peu.

Est arrivé le jour du départ… la journée commençait bien, l’infirmier est arrivé à temps. Par contre, l’assistance de métro pour accéder à Bruxelles-Midi était en retard, au point qu’alors que je me trouvais à la station de départ, vingts minutes avant ma sœur, elle a eu l’inquiétante surprise de m’y retrouver. En voyant ses yeux écarquillés, le stress enfouit, monte en moi. Nous décidons de rappeler le service d’assistance de la STIB et… hourra! Les assistants arrivent pendant la communication avec l’agent désagréable. Vite! Vite! L’appel se termine et nous voilà dans les lents ascenseurs, rendus lents volontairement par la STIB afin d’éviter qu’ils soient souvent utilisés. Vite, dans le métro! Pourvu qu’on trouve rapidement les ascenseurs de la Gare du Midi…

Les assistants pour le train sont au lieu de rendez-vous et l’embarquement s’est fait à temps. Ce n’était pas gagné… Nous nous préparons pour Paris. Pourquoi? Parce que nous devions descendre à Paris Nord et nous rendre à Paris Gare de Lyon pour la correspondance. Entre l’arrivée et le départ, nous avions exactement 1h. Ni plus, ni moins. La concentration devait donc être à son maximum pour éviter de perdre du temps. Le moyen de transport le plus rapide était le RER.

A Paris, les assistants pour descendre du train étaient là, nous leur avons demandé la direction à prendre pour accéder au RER. Après avoir pris des billets, nous nous dirigeons vers des agents qui nous informent que nous aurions dû réserver une assistance avant le trajet car il s’agissait de deux services différents etc., bref, je n’ai pas compris grand chose à leurs explications. Je faisais semblant d’écouter ces explications sur la procédure classique pour les français en fauteuils roulants. Ce qui m’intéressait à ce moment là, c’était les solutions qui s’offraient à nous pour pouvoir prendre le train vers Milan. Ils décident, finalement, d’introduire une demande et le trajet a pu être fait. Une fois à la gare de Lyon, les agents sont rapidement partis. Nous ignorions comment accéder à la partie internationale. L’heure tourne, aucun agent en vue et les passants ne savent pas nous renseigner. Au moment ou je commence à vivre ce voyage comme une torture, comme par magie, un agent apparaît et nous indique le chemin.

Nous voici dans la zone internationale où il nous faut trouver l’espace « Informations », pour l’assistance de train. La file n’est pas longue, mais les travailleurs semblent un peu distraits, ce qui rend le temps d’attente plus long. Arrive enfin notre tour, ils vérifient la réservation, nous font attendre et arrive enfin un monsieur nonchalant, sans rampe d’accès au train. Je me suis dit qu’il y avait sans doute une rampe sur le quai et qu’au point où nous en étions, plus rien n’était à craindre, nous aurions notre train. Eh bien, pas si sûr…

Lorsque nous nous sommes trouvés face au train, le monsieur dit « Oh… non… ». Nous le regardons et il nous explique qu’il s’attendait à me faire monter dans un train pour lequel la rampe qui se trouvait dans son bureau, n’était pas nécessaire. Nous n’en croyons pas nos oreilles. Sur ce quai se trouvait une de ses collègues à qui il explique la situation et tous deux discutent du fait qu’il sera impossible de me permettre de montrer dans ce train. Ma sœur, patiente, leur explique que nous venons de Bruxelles, essaie de mieux comprendre la situation et leur demande si il y a un autre train plus tard. Calmement et avec nonchalance, ils lui répondent que c’est le dernier du jour. A ces mots, mon sang n’a fait qu’un tour, j’ai subitement quitté la discussion et je roulais à toute vitesse vers la chef de train qui se trouvait loin devant à l’extrémité du train et s’apprêtait à lancer le départ. J’ai crié, comme si ma vie en dépendait pour l’interpeller. Ma sœur venait au loin, suivie des assistants. Me voyant me diriger vers elle, les yeux remplis d’espoir et désespoir en même temps, elle est venue vers moi. Ses collègues ont suivis. Je leur ai expliqué la situation, ils en ont été choqués, surtout qu’il s’agissait du dernier train vers Milan, et ont retardé le départ pour permettre à l’assistant d’aller chercher la rampe adéquate. Nous avons donc eu notre train.

Surprenante

Une fois à Porta Garibaldi Stazione, vers 22h30, il fallait faire la file pour un taxi adapté aux fauteuils roulants. L’un des rares taxi de ce genre nous est passé sous le nez. Nous voyant attendre là et sachant qu’il n’y a pas beaucoup de véhicules adaptés, des conducteurs ont pris de leur temps, à tour de rôle, et perdu des clients pour nous aider en appelant les compagnies de taxi pour un véhicule adapté, car s’exprimer en anglais était compliqué, l’italien était nécessaire. Dites-moi, comment ne pas aimer une ville dans laquelle les gens sont capables d’être aussi bons?

49589701_2222569421138966_2208187989912190976_nUn taxi est trouvé, nous n’avons qu’une hâte, manger et dormir. Ma sœur, qui a l’œil pour repérer les lieux où on peut trouver de quoi manger, a vu que non loin de l’hôtel, il y avait de quoi calmer nos estomacs. Et ce n’était pas du tout mauvais. Par contre, j’éviterai de me fier à l’emballage et au nom exotique d’une boisson pour me laisser tenter, parce que la boisson à base de « Chinotto » (dit avec un accent qui se voudrait italien) était vraiment particulière. Une fois, pas deux…

Le lendemain matin, il fait beau, nous nous lançons à la découverte de Milan. Nous découvrons que nous nous trouvons vraiment tout près de Porta Garibaldi Stazione, contrairement à notre impression, lors du trajet en taxi, la veille. Sillonner les rues de cette ville est très agréable… Un mélange réussi de moderne et d’ancien. Comme si le fait d’être sympathique ne suffisait pas, les gens, ici, semblent maîtriser l’élégance sans effort et en toute simplicité. La ville et la beauté des Milanais donne envie de faire partie des élégants. Les saisons idéales pour visiter Milan, si vous vous déplacez en fauteuil roulant, sont le printemps et l’été car il y a pas mal de lieux inaccessibles mais contrairement aux périodes froides, rester en terrasse durant ces deux saisons, fait qu’on ne réalise pas l’inaccessibilité des lieux. Il faisait si chaud lorsque nous y étions qu’accéder à l’intérieur de quelque lieu que ce soit était le second choix. Mais pour les locaux, les périodes froides ne doivent pas être vécues de manière aussi simple, en ce qui concerne l’accessibilité.

 

Au cours de nos nombreuses promenades, je remarque qu’à chaque passage de gens, il y a une odeur, la même ou sensiblement différente. Bien qu’elle soit agréable, je me demandais pourquoi cette odeur commune. Puis, est arrivé le soir ou nous avons assisté à un concert de musique classique en plein air, au Castello Sforzesco et j’ai compris pourquoi. Je n’avais jamais rencontré de moustiques aussi gros… vu leur taille, je ne peux parler que d’une rencontre. C’est l’odeur de citronnelle qui était présente à chaque coin de rue.

Avant d’arriver à Milan, « bien manger » était la plus grande motivation. Et, oh là là! Qu’est-ce que c’était bon… Le plus simple des repas était un régal. De 18h à 22h, c’est le moment de l' »Aperitivo ». Moment durant lequel vous ne payez que vos boissons, mais avez accès à diverses choses à grignoter. Certains lieux proposent des amuse-bouches plus élaborés que d’autres. Cette ville est belle, ne dort pas, les gens y sont sympas et les rues sont accessibles. Que demander de plus?! Bon, si vous êtes en fauteuil roulant, le monte-charge de la station de métro qui permet d’accéder à Navigli, l’un des lieux les plus vivants de la ville, est assez effrayant à utiliser. Non seulement il s’agit d’un système assez archaïque, mais en plus l’assistant impatient, qui ne parle qu’italien, vous explique comment utiliser le matériel en employant un débit de parole que vous ne comprendrez que si vous avez un niveau de compréhension avancé. Monter les marches m’était moins effrayant que le fait de les descendre. Sous le regard interloqué de ma sœur, pendant qu’elle m’aidait en appuyant sur les boutons de la machine pour descendre, j’ai interpellé, ne me demandez pas dans quelle langue, un homme qui me semblait avoir des bras dans lesquels, cela ne m’aurait pas été dérangeant de tomber.
Le séjour à Milan était au delà de mes attentes. Je n’aurais pu mieux rêver, comme compagne de voyage, que ma sœur et amie.
Bonne semaine, prenez soin de vous et de ceux que vous aimez,
Petit Cyborg