Se célébrer

Enfant, j’étais très entourée, pour diverses raisons liées aux déficiences physiques que je présentais et présente. Parce que souvent, sans l’aide de mes proches, j’étais limitée dans mes mouvements, être seule ne rimais pas souvent avec liberté de mouvements. Aujourd’hui, et cela depuis que j’ai eu mon premier fauteuil roulant électronique au début de l’hiver de mes 14 ans, je peux être à la fois libre dans mes déplacements et savourer les moments que je passe seule. L’indépendance dont je jouis, depuis, me permet de connaître mes proches, en dehors du lien de dépendance, et de les aimer pour ce qu’ils sont, indépendamment de ce qu’ils peuvent m’apporter comme aide. Cet article est un peu particulier, parce que je vais y parler de choses assez personnelles … J’espère donc ne pas manquer de pudeur et m’exprimer clairement.

 

Avant mon premier fauteuil roulant, je me déplaçais avec des atèles qui allaient des cuisses aux pieds. Cela était assez douloureux, alors, souvent, je n’arrivais pas à les garder toute la journée. Je ne les gardais qu’un temps, parfois aussi à l’école. Pour le reste du temps, à la maison, je me déplaçais en me trainant au sol, assise en prenant appui sur l’un des bras pour faciliter le glissement. J’étais plus rapide que les enfants à la mobilité classique. Mais parce que cela attristait mes parents de voir leur fille, qui n’était plus un bébé se traîner au sol, j’évitais souvent de le faire. Alors, pour me déplacer d’une pièce à l’autre, je demandais à mes proches de m’y emmener. Soit ils me portaient, soit c’est dans une poussette que le déplacement se faisait.  À 9 ans, j’ai eu mon premier fauteuil roulant. Il était manuel et au départ je ne pense pas que j’étais heureuse de ce nouvel élément dans ma vie. Par la suite, j’ai réalisé à quel point, avant celui-ci, je manquais de liberté. Je pouvais me déplacer seule à l’intérieur, vivre de petits défis, comme descendre et monter des marches, seule sans que personne ne me dise que cela était dangereux.

En faisant l’expérience de ce fauteuil roulant, je n’imaginais pas qu’un jour, bien que le Père Noël n’aurait pas réalisé mon seul vœux qui était de marcher à nouveau, je pourrais vivre encore plus d’indépendance. C’est ce que j’ai découvert à 14 ans, lorsque j’ai eu le second fauteuil roulant de ma vie, un fauteuil électronique. Marcher à nouveau n’était plus une nécessité, pour moi.

L’une des premières choses que j’ai apprise, grâce à l’indépendance que mon fauteuil roulant m’offrait, c’est que je pouvais séduire. Et la raison pour laquelle je le vivais comme ça, est que je me trouvais séduisante… J’aimais cette liberté de mouvement, le fait de pouvoir me rendre utile à mes proches, avoir aussi des moments où je peux être seule ou avec d’autres par choix. Ce sont des choses que je découvrais à propos de moi, des choses qui me séduisaient et me rendaient séduisante à mes propres yeux. Ce sont des choses que je ressentais, plus que je n’étais capable de me les expliquer. Aujourd’hui, je sais que l’opinion qui compte le plus à propos de nous, c’est la nôtre. Nos proches peuvent nous énumérer nos nombreuses qualités, si nous ne les voyons pas en nous, cela n’aura aucun effet sur nous.

 

Au fil des années, j’ai découvert que « célébrer » celle que je suis est important. Je pense que cela se fait différemment pour chaque individu, mais pour ce faire, il faut se poser, prendre un temps seul.e face à soi et prendre conscience de sa présence, aller au fond de soi. Parfois, le fait de s’observer peut être l’une des façon d’en prendre conscience. Je n’arrive à suivre aucun des exercices de méditation que j’ai eu l’occasion de voir en ligne ou auxquels j’ai pu assister, avant les confinements. Alors, je le fais à ma manière. Mais il y en a peut-être qui pourraient vous convenir. Cela n’a pas toujours été le cas, mais aujourd’hui, je suis capable de regarder mes qualités et ce que je voyais comme des défauts physiques, sans m’en détourner. À ce jour, j’ai appris à aimer celle que je suis mentalement et physiquement, y compris ce qui m’apparaît comme des défauts, qui sont souvent des traces de ce qui a été vécu par mon corps.

Chacun.e d’entre nous est  responsable de son propre bien-être. J’ai appris et apprends toujours à être à l’écoute de celle que je suis, pour ne pas me perdre. Apprendre à me connaître m’est important. Il ne faut pas perdre de vue celle que je suis. Lorsque vous avez une déficience, visible ou non, la société tant, parfois, à vous traiter comme un « être vivant ». Je dois donc savoir comment je me perçois et me vis, pour pouvoir revendiquer le traitement qui me convient. Il peut arriver que ceux/celles que je croise ou qui m’entourent ne me perçoivent pas comme une femme. Parce que je me perçois comme tel, et que je tiens à ma féminité, je peux leur apprendre que leur perception importe peu et  que je fais partie de la diversité des femmes qui existent. Connaissons-nous profondément, pour que l’opinion que d’autres posent sur nous n’ait aucune importance capitale. Tout le monde ne mérite pas de nous connaître, alors choisissons bien ceux qui nous entourent et ne perdons pas notre temps précieux.

Que cette année vous permette de vous connaître et de vous célébrer, pour que les préjugés de certains ne créent aucun mal en vous,

Petit Cyborg